5 sept. 2007

Pour en finir avec Jeanne d'Arc

Nov. 2006 _ mini-dv
coul. _ 54 min
2cde Projection Privée, Sonia Fleurance, été 2007

Ensemble de 5 vidéos
_ Jehanne 2006 _ 22'
_ De ses voix _ 2'45
_ 5 petits blasons pour en finir avec Jeanne d’Arc _ 12'20"
_ Le rêve de Jehanne _ 2'50"
_ Jehanne mise en abîme _ 15'30

“Le sens de la répartie de Jehanne est aussi le sens du retrait” S.T.

JEHANNE 2006 - 22' - 1er volet /5
Jehanne 2006 (10 1ères minutes sur YouTube)

" Ses paroles. Son ordalie.
La Sourdaie est le nom du coin de terre que mon père, Sylvain, a acquis. Le demi hectare traversé de sources se jette doucement et sans tarir dans l’étang sauvage, plus bas.

J’ai filmé durant 31 minutes un filet de l’eau sur les cailloux. Quelques mètres carrés se sont réduits en centimètres carrés : macro-paysage. Ai introduit le micro sous les ronces, dans quelques fossés… Encore marché dans les broussailles. Terrain subtil. Les eaux frôlent la surface de cette terre.


Longue macro-vidéographie, la lumière irradie les eaux par fulgurance. La quête d’on ne sait quoi est errance. L’errance mène à la découverte. Des pépites. Les cailloux donnent forme au cours d’eau. Le vent en accélère sa course perpétuelle. La petite noisette échue fait obstacle.

La fatigue du poignet annonce la fin du filmage. Filmer ces éléments devient une ordalie contemplative, une épreuve de résistance pour sentir jusqu’au bout sa force. La force se consume à mesure qu’elle s’exerce. Les tremblements provoquent d’autres radiations, bleues, avec l’incidence optique. L’angle des rayons solaires colorent la lumière sur l’eau : nature d’un alliage métallique. Du jaune d’argent aux oxydes de manganèse. Quelque chose brûle l’eau et l’image.

Sur les trois plans séquence (le principal durant plus de 15 minutes), la voix alto dit "je". "Je" suis Jehanne répondant à ses interrogatoires, au procès et en prison. Aucune question des Cauchon ni Beaurepère ne sont perçues. Jehanne affirme, grave. Le montage de ses paroles : ses voix lui ordonnent ; l’habit d’homme ; le sort des anglais ; son erreur d’avoir signé l’abjuration. Musicalité des eaux, rythme des pas dans les cailloux, les marécages…

Je lis la Sourdaie imprimant lumière & sons sur la cassette digitale. J’enregistre une partie où mon père se retranche. Son refuge. Il se réfugie dans la parole de la Sourdaie (percevoir comme paroles : reflets, bruissements d’eaux, vent dans les feuillages, brindilles cassant sous les pas, criaillement des cailloux : tous éléments mobiles, changeants). En ma présence Sylvain se retranche derrière le vacarme de la débroussailleuse qu’il pousse tandis que j’écoute l’intime Sourdaie.
Sylvain me laisse faire cela. Il m’y invite même, tacitement. Ce lieu comme l’aveu déguisé qu’il me fait partager.

Je filme, je tire le fil de l’image : j’écris. Je lis. Il pousse : il se tait, se terre dans le vacarme. Quelque chose sourd.

Jehanne se recueille, se ressource ; ses paroles coulent de cette source, avec la même évidence naturelle, le même mystère. Tout autant ses paroles alimentent la source. L’eau plus qu’un pendant à ses paroles : Jehanne est la source. Les eaux vont jusqu’à brûler par elles-mêmes.
Jehanne coule à sa perte, de source. "
S.T.

[ Extraits du procès de Jeanne d’Arc choisis & lus par Sandrine Treuillard tirés de "J’ai nom Jeanne la Pucelle" de Régine Pernoud, Découvertes Gallimard, 1994 ]


DE SES VOIX - 2'45" - 2cd volet
De ses voix (2'36 /3'15)

Filmer les phrases gravées dans la pierre des piédestals. Cliquetis, glissements, frottements au sol et voix alentours sur le parvis
de la cathédrale d’Orléans. Un moment, un geste de lecture.




5 PETITS BLASONS pour en finir avec Jeanne d'Arc - 12'20" - 3ème volet /5
5 petits blasons (10' / 12'30)

Macro-autoportraits, minis-performances se mêlent à l’iconographie de Jeanne d’Arc. Mythe & petites fictions. Filmer dans un miroir les images d’un livre, sa mise en page. Saynètes imprévues du corps à l’échelle du blason.
[ Iconographie filmée du livre "J’ai nom Jeanne la Pucelle" de Régine Pernoud, Découvertes Gallimard, 1994 ]










LE RÊVE DE JEHANNE - 2'50" - 4éme volet/5
Le sexe féminin, ventre, cuisses & fesses nus, dans la pleine lumière d'un miroir. Ballade, le bassin se déhanche doucement.
L’amour courtois est une mise à distance de l’acte sexuel immédiat.



Chant a capela :
"Amor mi fa cantar a la Francesca"
par le ténor Rogers Covey-Crump.


JEHANNE MISE EN ABYME - 15'30 - 5ème volet /5
Jehanne mise en abyme (7'22 / 12'30)


Lecture des vitraux de la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans, le récit en images de l’épopée de Jeanne d’Arc.
La caméra entre mes mains est un stylus, elle capture des détails : damassés, couleurs vives, manganèse, vert, rouge ; dessins, mailles de fer, armures.
Les gestes des personnages dictent le glissement incertain de la lecture.
Quête, recherche du visage qui répond à la main.
Le plomb, comme autant de séparation en séquences, maintient des fragments ensemble.